Vous vous souvenez de l’image du bateau de Thésée, que vous avez sûrement étudiée en cours de philo au lycée ?
Petite remise en contexte : Thésée, grand héros de la mythologie grecque, rentre à Athènes après avoir tué le Minotaure. Les Athéniens, en souvenir de son exploit, décident de garder son bateau comme un objet de vénération et de respect.
Le souci, c’est qu'évidemment, au fil du temps, le bateau se détériore et commence à pourrir.
Les Athéniens remplacent donc une première pièce, puis une autre, puis encore une autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les pièces du bateau soient remplacées.
Entre-temps, Thésée est mort et son équipage aussi.
Mais du coup, est-ce que c’est toujours le Bateau de Thésée ou est-ce que c’est juste devenu un bateau quelconque ?
Autrement dit, l'identité du bateau réside-t-elle dans ses composants matériels ou dans sa continuité historique et symbolique ?
Cette question, énormément de philosophes se la sont posée et notamment Homi K. Bhabha, un théoricien postcolonial, a introduit le concept d'hybridité culturelle. En gros, cela veut dire que les individus ne naissent pas avec une identité fixe et préétablie, mais qu'ils la construisent (consciemment ou non) à travers des processus sociaux, historiques et culturels complexes.
Elle est donc toujours en mouvement et l’'hybridité culturelle émerge là où les cultures se rencontrent et se mêlent, souvent en réaction aux processus de colonisation et de mondialisation.
Ce concept remet en question les notions de pureté culturelle et d'identité fixe, en mettant en avant la créativité et la résistance des cultures minoritaires face à l'assimilation culturelle.
L’artiste maroco-belge Mous Lamrabat, à travers son travail photographique, met justement en lumière des frontières culturelles poreuses et des identités qui se définissent davantage par leur mouvance et leur fluidité plutôt que par des catégories rigides.
Lui-même issu de deux cultures, marocaine et belge, Lamrabat transcende les frontières et les catégories artistiques pour créer un univers où l'Orient et l'Occident se rencontrent et s'entremêlent.
Et c’est en associant des références culturelles variées à des symboles contemporains qu’ il crée un dialogue entre passé et présent, entre tradition et modernité.
Dans ses photographies, toujours un peu teintées d'humour et d’ironie, les codes du luxe occidental se retrouvent nez à nez avec des éléments traditionnels marocains, créant ainsi des images à la fois légères, provocantes et profondément subversives.
Ça ne vous aura pas échappé, son travail incarne aussi une critique subtile de la société de consommation, mettant en lumière les paradoxes de notre monde globalisé où les marques de luxe côtoient les traditions ancestrales.
En mettant en scène des personnages aux identités multiples et complexes, Lamrabat invite le spectateur à remettre en question les notions préconçues d'appartenance culturelle et à reconnaître la diversité et la richesse de l'expérience humaine. En somme, l'œuvre de Mous Lamrabat est bien plus qu'une simple série de photographies ; c'est une exploration profonde et stimulante de l'identité, de la culture et de la société contemporaine, qui nous pousse à repenser nos conceptions du monde et de nous-mêmes.
Pas besoin d’en dire plus, les images parlent d’elles-mêmes.