Bon, ok, c’est l’heure de parler du lien entre le mépris de classe et des codes esthétiques dominants dans l’Art... il fallait bien qu’on rentre dans le lard un jour ou l’autre.
Aimez-vous les peintures à l’huile classiques et la musique symphonique? En fait, la question c’est plutôt, qu’est-ce que vous consommez au quotidien ? Plutôt des blockbusters américains genre Marvel ou alors des films d’auteur de la Nouvelle Vague?
Je vous arrête tout de suite, y’a pas de bonne réponse.
Mais on va pas se mytho, c’est quand même plus stylé de parler de Jean-Luc Godard que du dernier Iron Man en public.
Vous vous en doutez, ce phénomène va au-delà de la simple appréciation esthétique.
Le milieu de l’Art est aussi le miroir des dynamiques de pouvoir et de domination sociale, et cela se traduit par une hiérarchie culturelle où certaines formes d'expression artistique sont élevées au statut de chef-d'œuvre, tandis que d'autres sont reléguées au rang de divertissements populaires ou pire de “sous-culture”
(Gros bisous le Z, surtout change rien fréro).
Pour mieux comprendre cette dynamique, on peut se tourner vers le sociologue Bourdieu et le concept de capital culturel.
En gros, le capital culturel c’est l’ensemble des ressources culturelles qui sont valorisées dans une société donnée.
Plot twist : le capital culturel est inégalement distribué dans la société en fonction de la classe sociale, et cela influence les goûts artistiques des individus, créant ainsi une hiérarchie culturelle qui reproduit les inégalités de classe.
(c’est dingue, on s’y attendait pas du tout).
Bourdieu montre comment les individus des classes sociales supérieures sont mieux équipés pour acquérir et apprécier les formes d'art considérées comme légitimes par l'élite culturelle, comme la peinture classique, la musique symphonique ou le théâtre d'avant-garde, etc.
En revanche, les individus des classes sociales inférieures ont moins de capital culturel et sont plus susceptibles d'apprécier des formes d'art moins valorisées socialement, telles que la musique populaire ou les films commerciaux.
Bon, ok, mais ça n’explique pas pourquoi beaucoup d’artistes se collent volontairement aux codes instigués par ces élites…
Mais même si on aime bien se voiler la face à ce sujet, le monde de l’Art c’est aussi une industrie comme les autres, soumise à des logiques de marché. Herbert Marcuse, philosophe et sociologue, explique que
la transformation de l'art en une marchandise soumise aux lois du marché induit que la valeur d'une œuvre n’est plus déterminée par son mérite artistique intrinsèque, mais par sa capacité à être vendue et consommée.
Ce qui tend à exclure certaines formes d'expression artistique qui remettent en question l'ordre établi ou qui sont jugées trop controversées ou peu rentables.
Ainsi, selon Marcuse, l'art devient un outil de légitimation et de reproduction de l'idéologie dominante, renforçant ainsi les structures d'élitisme et de mépris de classe. Les artistes qui réussissent sur le marché de l'art sont souvent ceux qui correspondent aux attentes du public et des collectionneurs, ce qui limite la diversité artistique et perpétue les inégalités sociales et culturelles.
En fin de compte, cette commercialisation de l'art contribue à maintenir un système où le mépris de classe est non seulement toléré, mais également encouragé au sein du monde de l'art.
En conclusion : en tant qu’artiste, il n’y a pas de mal à utiliser ces codes élitistes, encore faut-il en être conscient et savoir en jouer.
Beaucoup d’artistes le font très bien d’ailleurs, parmi eux Maurizio Cattelan (dont on a déjà parlé ici), mais aussi de Hito Steyerl dans Factory of the Sun, une vidéo immersive qui explore les relations entre l'art, la technologie et le capitalisme. Cette œuvre critique la mondialisation, la surveillance et la production de masse, en utilisant des éléments visuels et narratifs pour questionner les structures de pouvoir contemporaines.
Dans la même lignée on a aussi Martha Rosler avec la série de photos The Bowery in Two Inadequate Descriptive Systems qui, comme son nom l'indique, critique les représentations stéréotypées des quartiers pauvres et marginalisés, en utilisant les codes de la photographie documentaire pour remettre en question les inégalités sociales et économiques.
Mais pour nous le goat ça reste Jayson Musson avec la série de vidéos parodiques Art Thoughtz (publiée sous le pseudonyme Hennessy Youngman)... on vous laisse checker ça, ça se passe d'explications.
Et pour vous, chers lecteurs,
sachez qu’un chef-d’œuvre, c’est juste une œuvre qui vous touche.
C’est tout. Peu importe que ce soit un cube minimaliste de Carl Andre exposé bien comme il faut au Centre Pompidou ou que ce soit la saison 7 de Rick et Morty.